Cliquez ci-dessus pour écouter le premier podcast de PermacultureDesign, le sujet traité ce mois-ci est « la permaculture comme modèle agricole ». En cliquant sur « download », vous pouvez aussi télécharger le programme pour l’écouter chez vous plus tard ou pourquoi pas en jardinant

Vous retrouverez une transcription texte en bas de cet article pour ceux d’entre vous qui préfèrent la lecture !

Bonne écoute !
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Le jardinage en permaculture comme modèle agricole.

 

Des constats récurrents

 Vers une nouvelle révolution verte sous couvert d’éco-agriculture ?

Hé oui messieurs dames, les grands de l’agrobusiness entrent dans le monde de la permaculture, de l’agroécologie, des éco-technologies. Pas très surprenant. L’image d’entreprise écologique devient incontournable pour reconquérir le public après les débâcles médiatisées du secteur de l’agro-industrie ces dernières années.
Alors on doit retrouver une image « humaine »  : faire de l’agriculture urbaine, de l’agroécologie, du bio et même de la permaculture, mais tout cela à dimension industrielle et surtout avec des objectifs inchangés : le profit à court terme, la maîtrise totale de la filière agro-alimentaire, et par la-même, le maintient de la population sous contrôle. On commence donc à nous resservir la bonne vieille argumentation du : « mais vous savez messieurs dames, on va devoir nourrir 14 milliards de personnes…, et puis on a des pénuries de ci et ça, on n’y arrivera jamais sans la technologie… »
Chez PermacultureDesign, nous faisons parties des personnes qui ont été contactées pour étudier des « systèmes innovants ». Beaucoup d’autres permaculteurs de notre connaissance, l’ont été aussi. Un responsable de projet vous contacte pour votre expertise sur un domaine et vous demande si vous souhaitez participer à ce projet qui se veut à l’avant-garde du respect environnemental… Puis quand vous creusez un peu le sujet des éthiques dans lesquels sont développés ces projets et à quelles fins, vous prenez peur. De plus, quand vous apprenez qui finance ces recherches (fondation Rockfaeller…). Vous avez compris que ce n’est pas une expertise pour le mieux-être de la planète et celui des hommes, mais pour le bonheur des actionnaires. Souhaite-t-on collaborer au développement de cela… nous, on a clairement choisit de fuir ce genre d’initiative et nous espérons que les nombreuses personnes concernées feront de même.
Alors on nous vends des eco-technologies géniales, et trop super high tech, des fermes d’avenirs en permaculture, toutes nouvelles, qui ont inventé des supers méthodes que l’on connait depuis un siècle, sponsorisées par Fleury Michon, Casino, Jardiland et Rustica.  Tout ça, ça ne peut pas être mauvais, non ?

Alors par exemple, on a des modèles basés sur des immenses serres hydroponiques, ou au moins pire aquaponique, de la machinerie techno-écologique high-tech, de supers fermes urbaines en veux-tu en voilà et bien d’autres excentricités agricoles urbaines énergivores, aux coûts exorbitants, ultra-centralisés, et tout sauf résilientes…

A propos, nous n’avons rien contre l’aquaponie à partir du moment où elle est utilisée correctement, dans un contexte familial, et dans un contexte d’entreprise éthique…et surtout dont les produits profitent aux humains et à l’environnement.
Comprenons donc que le supermarché de demain n’aura même plus besoin de personnel, ni de producteurs, les serres seront directement sur site et pour sûr ces économies d’échelle raviront les actionnaires ! On vous sortira les arguments suivants pour vous convaincre : 
  • «  c’est local ! » 
  • «  c’est frais (puisque produit à proximité)! « 
  • sur certains projets «  c’est bio ! « 
  • «  cela va réduire la pollution (moins de transports via les camions) ! « 
  • et l’inévitable «  ça va créer des emplois ! »
Les maires vont se battrent pour proposer des terrains en ville à prix défiant toute concurrence pour attirer ces projets alléchants sur le papier…
L’idée pour ces grands groupes d’agrobusiness, est de convertir l’agriculture conventionnelle à bout de souffle, en des lieux de productions en ville, avec au RDC le supermarché et au dessus la serre de production. Et ses systèmes cumulent les avantages pour ces groupes :
  • éviction des paysans avec leurs terres polluées
  • ils seront propriétaires de toute la chaine (de la production à la distribution).
  • et la mise en place de brevets de ces systèmes empêchera définitivement toute concurrence des paysans, puisqu’ils ne pourront plus trouver de filières de distributions, ou devront s’endetter sur des millions pour pouvoir exploiter un de ces systèmes. En bref, le modèle ne change pas, on le repeint en vert et les multinationales prennent encore plus de pouvoir et de profit…
Alors avec tout cela, et des projets de cet acabit qui s’installent sur notre territoire, il nous semble important de reparler du sens du travail des permaculteurs, et de leurs souhaits profonds : évoluer vers un nouveau paradigme, ou transiter vers un modèle de société plus résilient, plus juste pour les humains et la terre.
N’y a-t-il pas d’autres possibilités plus simples, résilientes et régénératives pour solutionner les problématiques des prochaines décennies ? Sincèrement, nous en avons plein notre chapeau ! Et le jardinage en permaculture peut très bien être un « des modèles » (parce qu’un seul modèle ne suffira pas bien sûr) agricoles viables dans les milieux urbains, semi urbains et ruraux de demain…

Une des solutions

Imaginons une « agriculture de jardins» faite de petits systèmes de production intensifs d’environ 1000 m2, où le travail à la main est plus efficace que celui des machines, et où l’on produit suffisamment pour nourrir un foyer et dégager des surplus à vendre. Nous avons de nombreux exemples dans le monde et en France d’ailleurs, que ce type de surface peuvent être hautement productives. Ces jardins durables, productifs et écologiques, intégrant souvent du petit bétail et des volailles s’adaptent à un large éventail de systèmes et de conditions (climatiques, économiques, culturelles…) en mettant en pratique les principes de la permaculture.
En considérant le jardinage en permaculture comme un modèle agricole, on peut pourtant entrevoir une agriculture et un développement urbain et péri-urbain beaucoup plus durable que les solutions techno-ecolo-agronomiques qu’on nous propose.

Les bénéfices du jardinage en permaculture comme modèle agricole

 Sociaux :

  1. On crée des unités de production décentralisées, ultra-localisées, à haute valeur ajoutée sociale, en terme d’emploi, de liens entre les peuples, où chacun du plus jeune au plus ancien peut remplir un rôle.
  2. On encourage vivement la résilience locale, la création de revenus multiples, touchant de nombreuses personnes, et favorisant la distribution et la circulation des richesses.
  3. C’est en faisant évoluer nos habitudes alimentaires vers des produits plus sains, gouteux, locaux et de saison, que nous pourrons «  renaturer » les gens, et aller vers une socièté plus consciente de son lien avec la terre et la nature en général.

Environnementaux : 

  1. On peut facilement collecter et utiliser les différents déchets organiques générés au quotidien (déchets de jardin, de cuisine, excréments humains et animaux, déchets de restaurants…). Cet important apport en matière organique permettant d’assurer la fertilité des sols, éviterait un important traitement des déchets en aval. A peu près 50% des déchets ménagers urbains sont aujourd’hui des matières organiques valorisables.
  2. La gestion des eaux, des microclimats, des énergies et des nutriments est pensée à l’échelle de chaque unité, ceci permettant d’éviter des effets d’accumulation, et par incidence des pollutions tout en optimisant les productions.
  3. On peut cultiver biologiquement sans grande difficulté et organiser des associations et des rotations de cultures complexes tandis que cela est quasiment ingérable en grande agriculture commerciale.
  4. On favorise les circuits courts et on diminue les transports, emballages, etc…

 Economiques : 

  1. Il n’y a presque pas de gaspillage dans les récoltes car on n’a pas besoin de faire de sélections pour éliminer les produits non esthétiques, non transportables, non calibrés…la quasi-totalité de ce qui est produit est consommé ou vendu !
  2. Les productions peuvent être diversifiées et organisées par les différents acteurs (producteurs et consommateurs), et designer pour que les produits des uns bénéficient aux besoins des autres et inversement, et ce à l’échelle locale  : pépinières, fruits, légumes, plants, semences, etc…On pourrait imaginer une rue d’un quartier entier s’organisant ensemble, des lotissements producteurs, des cités-maraichères…. 
  3. Les jardins sont des espaces de vie et de travail à taille humaine qui favorisent l’observation et donc la réactivité et l’efficacité dans nos interventions, et dans la réponse à certaines demandes.
  4. Avec une « agriculture de jardins », on réduit aussi énormément les coûts en intrants et sortants : fertilisants, transport, stockage, marketing, conditionnement et préparation des denrées périssables.
  5. On diminue aussi les besoins en intermédiaires et donc les gaspillages qui en découlent
  6. On crée des compléments de revenus, de la disponibilité, de la réduction dans les déplacements, on crée de nouveaux emplois gratifiants, sains, ayant un sens, de l’abondance de productions saines…Une nation en bonne santé, ayant moins de besoin en terme de soins médicaux…Et tant d’autres avantages…

Les Freins :

 
Malheureusement, dans nos pays « riches », des décennies de nourriture « à bas prix » ont fait décliner le jardinage en tant que moyen de production alimentaire. Celui-ci perdure encore, mais avec des pratiques qui sont souvent très énergivores, et parfois dangereuses pour l’environnement.
Les analyses économiques classiques rejettent l’idée qu’une « agriculture de jardins » puisse prospérer par rapport à l’agriculture commerciale actuelle, ce modèle ne permettant pas de faire des économies d’échelles. Cette vision prédominante occulte à tort des niches de développement possibles pour des très petites, voire micros exploitations répondant à de nouvelles valeurs et nouvelles attitudes de consommation issues de préoccupations écologiques et sanitaires.
Évidemment, il pourra être argumenté que de telles petites exploitations ont aujourd’hui besoin d’être subventionnées pour exister, et ce n’est d’ailleurs pas obligatoire…La possibilité de financement par souscription, achat de parts sociales, du public, est tout à fait réaliste.
 
 

Conclusion

Il est probable qu’un tel modèle reste marginal dans la production alimentaire, si les marchés économiques et financiers parviennent à maintenir des niveaux de prix bas sur les matières premières, et si les problèmes écologiques globaux peuvent être maintenus au second plan.
Il est clair que le passage d’un jardinage de loisir consommateur d’énergie et polluant, à un jardinage en tant que modèle agricole pour produire efficacement des fruits et légumes, nécessitera une révolution économique et sociale, que beaucoup pensent impossible.
Mais c’est sans compter sur plusieurs facteurs importants pouvant générer ce changement social radical :
  • Des prévisions d’avenir de plus en plus restreintes, une flambée du prix des matières premières, des problématiques écologiques toujours plus importantes.
  • Des pouvoirs publics confrontés à leur échec total à créer une croissance économique durable, et donc de plus en plus enclins à soutenir des modèles durables permettant à des chômeurs de retrouver une activité.
  • Et enfin et surtout les individus et les familles dont la capacité d’adaptation peut être très rapide quand le besoin s’en fait sentir !
Alors une « agriculture de jardins » pourrait très rapidement se développer et devenir une solution parmi d’autres particulièrement intéressantes. Dans plusieurs pays ou régions, celle-ci est d’ailleurs toujours d’actualité.
Les petites et micro entreprises sont à l’origine des renouveaux économiques et de la majorité des emplois de notre pays. Les ménages et foyers, sont la base principale d’où émergent ces structures. Pour que l’agriculture redevienne durable, elle doit se baser sur une culture paysanne post-industrielle, dans laquelle un grand nombre de personnes développeront l’expérience et les compétences nécessaires à une agriculture de jardins ou décentralisée. 
Ainsi, sur le long terme, ce type de modèles pourront redynamiser l’agriculture commerciale, grâce à de nouveaux fermiers, de nouvelles méthodes adaptées localement, et des systèmes de production intégrés, réactifs.
La permaculture est un concept global, holistique, dont le jardinage et l’agriculture durable sont des sujets centraux. Ces pratiques permettent à de nombreuses personnes dans le monde de produire leur subsistance, et nous cherchons à l’inclure dans une démarche de permanence et de durabilité, en accord avec son contexte, et son environnement.
Nous souhaitons être et rester vigilant dans les modèles que l’on nous propose afin de conserver un sens et une éthique dans notre rapport à la vie en général. L’évolution vers un contexte culturel où les humains entre eux, et leur relation avec l’environnement tende vers plus de maturité et de conscience est notre principale considération.
Pour le podcast N°2 de PermacultureDesign, nous vous proposons de créer des émissions de questions/réponses où nous répondrons à vos questions. Pour nous proposer des questions, écrivez « Proposition de question » dans les commentaires suivants.
 
Amis permaculteurs, à bientôt !